Le confinement est encore de rigueur mais la sortie de crise commence à se dessiner.
Si vous travaillez sur un lancement à venir, ne sous-estimez pas l’importance de son nom. Cet article a pour but de vous aider à y réfléchir et je vous propose pour cela le cas très fréquent du lancement d’un me-too product.
Lancer un me-too product
Quand on lance un me-too product ou plus largement un produit qui se bat contre un concurrent installé, le plus souvent leader sur son marché, l’offre-produit est bien sûr centrale mais le nom que vous choisirez l’est également.
L’expérience m’a montré que, dans le cas d’un me-too product, le nom choisi était très souvent prédictif du succès rencontré par le lancement.
Pour comprendre ce phénomène, il faut se rappeler que le nom n’est pas seulement un des éléments du mix mais également le mot qui résume l’ensemble du mix, c’est à dire l’ensemble de l’offre. Le nom et l’offre fusionnent dans l’esprit et toutes les images et perceptions liées au nom se transfèrent automatiquement sur l’image de l’offre. Le nom s’inscrit dans l’inconscient et aucune communication ne peut rattraper un mauvais nom.
Pour avoir une chance de réussir le lancement d’un me-too, nous nous sommes aperçus que la nouvelle offre devait se battre à nom égal ou supérieur au nom du concurrent attaqué.
Quelques cas célèbres :
- Personne n’a réussi jusqu’ici à concurrencer Knacki (56 % de pdm fin 2017) ni Nutella (75% de pdm en 2019) et pourtant les prétendants furent nombreux.
- Danone n’a jamais réussi à concurrencer La Laitière ni Panier de Yoplait ni Yop.
- Peugeot n’a jamais réussi à contrer Scénic, en revanche Citroën y est parvenu.
Dans chacun de ses exemples, qu’il serait trop long de détailler ici, la loi : Se battre à nom égal ou supérieur, se vérifie.
Mais que veut dire se battre à nom égal ou supérieur … ?
Je vous l’explique en espérant que cela sera suffisamment clair. Cela revient à 2 choses :
- Se battre à structure de nom égale. Il existe 2 grandes structures de nom :
- Lancer l’offre sous une marque existante.
- Lancer une marque autonome dédiée.
Or, contrairement aux apparences et même aux convictions de nombreux responsables marketing, la seconde structure est supérieure à la première. S’appuyer sur la notoriété d’une marque est très souvent à double tranchant d’une part car cette marque est toujours dotée d’un champ d’expertise propre et d’autre part car tout lancement sous une marque existante se présente toujours pour le client final comme un lancement marketing ce qui en diminue l’attrait.
Lancer une marque nouvelle apparait toujours comme plus nouveau, plus audacieux que lancer une déclinaison de plus d’une marque existante. Par exemple Les 2 vaches, marque autonome, est une marque plus forte que Danone Bio, marque déclinée.
- Se battre à qualité de nom égale. La qualité d’un nom s’évalue par la prise en compte de plusieurs facteurs mais le facteur prépondérant est l’originalité, le niveau de recherche du nom concerné.
Et maintenant je vous propose d’analyser le nom Disney+ et ses chances de succès.
Disney+ : quelques rappels
Mardi 7 avril 2020 : 2 semaines après la date prévue initialement, the Walt Disney Company lance en France sa nouvelle plateforme de téléchargement, baptisée Disney+.
Disney+ intervient sur le marché de la vidéo sur abonnement et viendra concurrencer Netflix qui a acquis 6, 7 millions de clients en France. Moyennant un abonnement de 6,99 euros par mois (69,99 euros par an), l’utilisateur accèdera en France à plus de 500 films et 300 séries issues des univers Disney, Pixar, Marvel, Star Wars et National Geographic. On nous dit que l’offre Disney+ dispose de nombreux atouts : l’image de Disney, sa présence sur toute la chaine de valeur, ses moyens de production, ses accords commerciaux. En France la distribution de Disney+ sera assurée par Canal + qui offrira l’abonnement pdt un an aux abonnés des pack Famille et Canal + et l’inclura de façon permanente dans plusieurs de ses offres. Soit plusieurs millions de clients acquis « de facto » parmi les 8,4 millions de clients de Canal + en fev 2020. |
Notre analyse
Disney+ se bat-il à nom égal avec Netflix ? Le nom Disney+ est-il bien choisi, suffisant pour concurrencer Netflix ?
- En termes de structure de nom : Disney+ est un nom décliné d’une marque existante (Disney) alors que Netflix est une marque autonome dédiée à la catégorie.
Or on a vu que la structure Marque autonome dédiée était plus forte que la structure Marque existante déclinée
- En termes de qualité de nom : Disney+ est un nom très banal, sans recherche, basique. La part spécifique à l’offre est réduite au signe +, non protégeable bien sûr, utilisé déjà à l’intérieur de milliers de noms. Netflix, que l’on aime ou pas ce nom, est indiscutablement un vrai nom, émergent, protégeable, distinctif. Beaucoup d’autres critiques pourraient être formulées. La largesse de l’offre n’est pas exprimée : on ne voit que Disney. Les marques Pixar, Star Wars, National Geographic sont quasiment anéanties par leur résumé en ce simple signe +.
Conclusion
Disney+ ne se bat pas à nom égal avec Netflix. Le nom Disney+ est un nom très faible, très inférieur au nom Netflix. D’emblée l’offre Disney+ est dévalorisée par rapport à l’offre Netflix.
Selon moi les objectifs réels de Disney+ – qui n’ont pas été énoncés clairement à ma connaissance ce qui montre que la marque reste prudente sur ce lancement- ne seront pas atteints, même si le confinement jouera à court-terme en faveur de Disney+.