
Les lois qui régissent la mémorisation des noms sont les mêmes qu’il s’agisse de noms de produits marketés ou de tous types de choses.
La 1ère loi est que les noms strictement descriptifs, les noms techniques, les numéros ne sont mémorisés que par une cible avertie.
Seuls les noms émotionnels, suffisamment originaux qui dépassent la dimension générique et suggèrent un projet, une idée sont mémorisés par une cible large
Le rôle du nom Les 4 saisons dans la mémorisation et le succès de l’œuvre a été évoqué cet été sur France Musique par Patrick Barbier, musicologue spécialiste de la renaissance.
Nous vous livrons notre analyse.
Remarquons d’abord que l’on connaît « d’oreille » de nombreuses oeuvres classiques sans en connaître le compositeur et encore moins le nom.
Cette méconnaissance des noms des oeuvres peut s’expliquer par le fait que pour leur grande majorité, les oeuvres classiques portent des noms descriptifs techniques ou des numéros.
Valse/ sonate/ prélude/ concert/ trio, symphonie/ opus … Ce 1er terme étant suivi d’un numéro et/ou d’une tonalité : sol majeur, en mi mineur… avec 24 tonalités possibles
Ce type de nom handicape l’accès, la mémorisation et la différenciation des œuvres.
Le nom Les 4 saisons
Il se voit bien mémorisé pour plusieurs raisons selon nous :
- Il rompt avec le registre technique habituel des noms d’œuvres musicales
- Il n’est pas musical, il dépasse le musical
- Il parle à tous
- Il est joli, poétique, agréable
- Il énonce immédiatement le projet du compositeur ; en marketing on dirait le concept-produit. On parle d’ailleurs de musique « à programme »
- L’oeuvre se compose de 4 parties, portant chacune le nom d’une saison ; en marketing on dirait que le nom du produit et son mix sont en cohérence immédiate
- L’oeuvre a été redécouverte dans les années 50, à une époque beaucoup plus agricole et proche de la nature que la nôtre, où la saison régissait le quotidien de chacun
Dernier élément intéressant, le fait que Vivaldi ait accompagné la partition de 4 sonnets – également composé par lui - porteurs d’annotations précises reliées à chaque saison : chants d’oiseaux, murmures de fontaines, tonnerre et orages, récolte joyeuse, aboiements de chien revenant de la chasse, neige glacée… Ces annotations aident bien sûr les chefs et les musiciens à comprendre et faire vivre les intentions du compositeur. En marketing on parlerait d’augmentation de la résonance entre le nom et le mix.
Bien sûr c’est un chef d’œuvre, on ne s’en lasse pas, ça fourmille d’émotion, de vie mais ça ne suffit pas à expliquer l’immense succès mondial de l’oeuvre.
Il existe de nombreux autres chefs d’œuvres classiques – y compris chez Vivaldi- mais très peu, voire aucun, n’a atteint cette renommée.

En conclusion
Imaginez que Vivaldi ait appelé son oeuvre Concerto baroque pour violon n°1, quelle histoire raconterait ce nom ?
Voyez tout ce que l’on perdrait en termes d’universalité et de narratif.
L’esprit de l’oeuvre serait beaucoup plus érudit, abstrait, confidentiel la portée ne serait pas du tout la même.
La base de l’identité d’une offre, c’est son nom, quelle que soit l’offre et son époque.